Résumé: Alliances stratégiques dans la politique européenne
Heinz Brill
L’Europe s’agrandit depuis des décennies et pour divers motifs. Le fait que seule une Europe unie puisse à long terme se maintenir dans le jeu international des forces est un de ces motifs. Le processus d’unification fait déjà preuve de nombreux résultats positifs, mais a également, d’un autre côté, mis en lumière le fait qu’en raison de considérables divergences d’intérêts, il ne peut y avoir qu’une « Europe des Nations ».´ Malgré la coopération de quelques pays membres de l’UE, rien ne fonctionne sans les institutions de l’UE ; mais pas non plus sans l’initiative et l’engagement des pays membres meneurs. L’incapacité d’action en politique extérieure de l’UE vient de la non volonté d’agir au « niveau national ». En politique extérieure et de sécurité, l’UE détient une autorité qui ne découle que de l’engagement des pays membres. Aussi longtemps que l’UE se trouvera en phase de « devenir un état », respectivement se définira en tant que « chantier », la structure intérieure avec pour objectif la découverte de son identité sera le centre de toutes les réflexions. Si l’Europe des 25 ne veut pas s’essouffler, il faut qu’elle trouve une cohésion ; ce que peuvent plutôt former des coalitions continentales et régionales, d’intérêts ou de choses. Les relations spéciales bilatérales et régionales dans le processus d’unification européen prennent de ce fait continuellement de l’importance.
Les relations entre l’Allemagne, la France et la Pologne n’ont jamais été aussi pesantes depuis la création du « Triangle de Weimar » en 1991 pour le renforcement des relations de bon voisinage et pour la préparation de l’adhésion de la Pologne à l’UE et à l’OTAN.
Lors de ces douze dernières années, la Pologne n’a jamais été impliquée dans une querelle politique de cette importance avec ses partenaires occidentaux ; le fait que la Pologne joue aujourd’hui le rôle que l’Allemagne occupait jusqu’à une date récente est de plus particulièrement fâcheux pour Berlin ; soit un état qui mise sur l’Europe, mais qui rattache complètement sa sécurité aux USA.
Jusqu’alors, il n’y a pas encore eu dans l’histoire d’alliance entre la Russie, l’Allemagne et la France. L’exploit franco-russe surprise d’octobre 1997 qui mena temporairement à un « Triangle de Strasbourg » parut d’autant plus surprenant qu’il se poursuivit lors de la réunion de la Troïka à Moscou en mars 1998. Il apparut que Paris et Moscou avaient des intérêt convergents, qu’elles pensent en catégories géopolitiques et qu’elles souhaitaient limiter l’hégémonie américaine en formant un pôle et un contre-pouvoir. Le Triangle Paris - Berlin - Moscou apparut également lors de la Guerre en Irak lorsque l’Allemagne prit clairement position contre l’unilatéralisme américain au lieu de faire fonction de médiateur entre les positions anglo-américaine et européenne.
La politique étrangère française est particulièrement intéressée par la création du monde multipolaire dans lequel l’UE jouerait un rôle important et, de ce fait, s’oppose nécessairement à Londres qui, elle, s’accroche à sa « relation spéciale » avec Washington, mais qui parle en même temps de consolidation de l’Europe, qui ne devrait toutefois pas avoir lieu sans le partenariat des USA, ce qui fait que la Grande-Bretagne refuse clairement le modèle d’un monde multipolaire ainsi qu’une politique extérieure européenne commune.
L’Allemagne court le danger de trop mettre l’accent sur ses relations particulières avec la France et de devoir renoncer à une politique extérieure indépendante ; un éloignement des USA en serait la conséquence. Dans une période de bouleversements politiques mondiaux, il ne se forme pas seulement de nouvelles alliances, l’Europe obtient également la possibilité de devenir un acteur international. Il ne lui manque cependant pas seulement un centre opératif - abstraction faite de Londres et Paris - mais également une pensée stratégique.
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